Commissariat et vidéosurveillance à La Capsulerie… Ou le Business de la peur !

Depuis un certain temps, le quartier de La Capsulerie fait régulièrement parler de lui pour des faits divers inquiétants avec notamment des tirs à l’arme de guerre.

En effet, depuis près d’un an les médias ne cessent de parler de notre quartier principalement pour des faits divers de ce type alors que ces problèmes ne datent pas d’hier. Par ailleurs, il est également assez curieux de se rendre compte que bon nombre de nos représentants politiques et associatifs, prétendant parler en notre nom, réclament sans cesse la construction d’un commissariat de plein exercice, ou encore la mise en place de caméras de vidéosurveillance alors que ces derniers n’ont – quasiment – jamais mis les pieds dans notre quartier.

Dans cette lancée, je me fais régulièrement interroger sur ces questions de mon côté : “Es-tu pour ou contre la mise en place d’un commissariat de plein exercice dans notre quartier/ville ?”, “…Et les caméras de vidéosurveillance, excellente nouvelle pour nous assurer sécurité et sérénité, qu’en penses-tu ?”… Tout d’abord, j’aimerais couper court aux questions récurrentes de ce type : il ne s’agit pas d’apporter des réponses binaires à ces questions légitimes en y répondant par de simples “Oui” ou “Non”. L’honnêteté intellectuelle voudrait qu’un minimum d’analyse et de données et faits concrets soient apportés en réponse pour permettre à chacun d’avoir un avis sur ces questions ; cela est d’autant plus vrai envers ceux qui prétendent, à qui veut l’entendre, que ces propositions seraient des solutions miracles pour régler ces problèmes de fond qui, je le rappelle, existent depuis toujours dans notre quartier et dans bien d’autres.

Avant toute chose, il est important de s’interroger sur les origines de la situation présente dans notre quartier. On entend trop souvent que les jeunes seraient eux-mêmes à l’origine de cette situation, mais rappelons que c’est eux qui sont confrontés plus que d’autres à cette question quotidiennement. Je me permets de rappeler également que l’immense majorité des jeunes de La Capsulerie mettent tout en oeuvre pour trouver une alternative à cette situation avec les seuls moyens qui sont à leur disposition et en totale autonomie (réussite scolaire, formation professionnelle, etc…). Rappelons aussi que notre association a été créée en 2009 exclusivement par des jeunes de ce quartier et travaille sans cesse pour tenter de proposer cette alternative, mais comment expliquer alors que nous rencontrons des blocages sur plusieurs niveaux…? On ressent un véritable sentiment de désinvestissement et d’abandon de la part des pouvoirs publics sur notre quartier d’autant plus qu’aucun investissement concret n’a été réalisé ces dernières années, et encore moins envers les jeunes.

Un des principaux arguments justifiant un commissariat ou la vidéosurveillance serait la nécessité d’une repression envers les personnes concernées… De la répression, il en faut et c’est une évidence mais elle est déjà suffisamment présente dans notre quartier ! Il suffit de venir constater la présence des policiers sur place en particulier lorsque leur intervention est nécessaire : les policiers étaient présents dans les 5 minutes qui ont suivi les derniers coups de feux en septembre par exemple. Ou encore la présence quotidienne des policiers au sein même de notre quartier, à toute heure du jour et de la nuit depuis plusieurs années déjà, ce qui n’a malheureusement pas permis d’améliorer la situation, alors que dans certains quartiers, comme à Aulnay-sous-Bois ou à Marseille, les policiers ne peuvent pas se permettre de pénétrer dans certaines zones sans risquer de se faire agresser ; il s’agit là de véritables zones de non droit contrairement à ce que l’on peut constater dans notre quartier.

Ceci étant dit, comment expliquer que certains de nos représentants politiques et associatifs ne cessent de réclamer un commissariat de plein exercice, alors que ces derniers savent pertinemment qu’il s’agit d’un vœux pieux qui ne verra très probablement pas le jour ? Rappelons aussi que Bagnolet possède une antenne de police – dont l’utilité reste évidemment discutable – dans notre ville et qui dépend du commissariat des Lilas qui se situe à près de 2 kilomètres seulement, avec souvent des effectifs de police venant du commissariat de Montreuil ou de Bobigny que l’on peut apercevoir faire des patrouilles à Bagnolet. Que dire alors des habitants du reste de la France qui doivent parfois parcourir des dizaines de kilomètres pour arriver au commissariat le plus proche de chez eux ? Rappelons d’ailleurs que le commissariat des Lilas se trouve dans un état de dégradation évidente, il suffit d’y faire un tour pour se rendre compte par soi même de la nécessité de rénover ce commissariat pour permettre aux fonctionnaires de travailler dans des conditions décentes…

Comment expliquer aussi que ces mêmes représentants politiques et associatifs ne sont que très peu – voir pas du tout – impliqués sur les autres problématiques concrètes rencontrées par les habitants de notre quartier ? Prenons l’exemple type de la question des pannes d’ascenseurs des locataires LogiRep qui se sont rassemblés en collectif pour dénoncer le manque de considération que LogiRep semble leur réserver. Là encore, nous constatons une véritable tentative d’étouffement de notre mobilisation alors qu’ailleurs, ces mêmes représentants politiques n’hésitent pas à recevoir publiquement et à vendre les mérites des associations actives dans d’autres quartiers

Rappelons aussi que la majorité des personnes qui se font contrôler et qui sont placées en garde à vue n’ont – pour la plupart – aucun lien avec les délits récemment commis dans notre quartier puisqu’elles sont aussitôt relâchées. Ces situations impliquent nécessairement un climat constant de tensions, de part et d’autre, ce qui peut aller bien au delà, comme nous pouvons le constater avec d’autres exemples concrets qu’il faut avoir à l’esprit car il s’agit malheureusement d’une réalité (cas de violences policières ou d’affaires telles que les morts d’Adama Traoré, Zyed et Bouna et de bien d’autres). Veut-on vraiment instaurer ce climat de peur et veut-on vraiment être confrontés quotidiennement à ces situations ? Pire encore, veut-on vraiment que nos enfants tombent nez-à-nez avec des policiers armés jusqu’aux dents le matin en se rendant à l’école par soucis de “prévention” ?! Est-ce l’unique solution miracle proposée par nos représentants politiques ? Il suffit pourtant de regarder ce qui s’est passé dans nos quartiers et villes voisines, notamment à Clichy-sous-Bois, Bobigny ou Aulnay-sous-Bois par exemple, pour se rendre compte que la mise en place d’un commissariat n’a clairement pas réglé les problèmes sur place, au contraire la tension y est bien plus présente qu’auparavant…

Pire encore, s’agissant de la vidéosurveillance, j’apprends récemment que la municipalité aurait décidé la mise en place de ces caméras prochainement dans notre quartier et prétendrait que nous – les habitants – avons été consultés et avons été d’accord avec cela… Sauf que ni moi, ni les centaines de locataires que j’ai pu notamment rencontrer lors de notre mobilisation contre LogiRep ou même ailleurs n’ont été consultés à ce sujet alors qu’ils ne sont, pour la grande majorité, pas nécessairement d’accord avec ce principe qui n’a aucun impact sur le fond du problème. Il est primordial de se baser sur des faits concrets et des exemples similaires d’erreurs réalisées dans des quartiers et villes voisines pour éviter de les reproduire chez nous, surtout si cela implique des coûts non négligeables qu’il va bien falloir assumer compte-tenu de l’état actuel des finances de notre ville. J’espère que la municipalité nous présentera l’objectif de cette vidéosurveillance et surtout les raisons de ce choix pris sans avoir consulté les habitants de notre quartier. Pour faire simple, je vous propose vivement de regarder ci-dessous un extrait d’un reportage de l’emission Cash Investigation réalisé sur la question de la vidéosurveillance, et qui démontre clairement l’inefficacité de ces dispositifs et la manière dont certains représentants politiques instrumentalisent nos peurs…

Il est utile de s’insurger contre le trafic de drogue qui gangrène notre quartier, mais comment comprendre que la municipalité réclame plus de répression d’une part en demandant un commissariat qui coûterait des millions d’euros aux contribuables, mais qu’elle refuse de considérer des jeunes qui veulent s’investir dans un sport d’autre part ? Je rappelle que notre association possédait des créneaux de basket-ball fréquentés par une cinquantaine de jeunes de notre quartier ; il y a quelques années, la municipalité a décidé, visiblement sans raison valable, de nous réduire nos créneaux alors que nous en demandions davantage pour répondre aux besoins de nos adhérents de plus en plus nombreux. Comment expliquer qu’il nous est visiblement impossible de bénéficier de services élémentaires et pourtant identiques à ceux d’autres associations de notre ville ? Comment expliquer aussi que lorsque des jeunes de notre quartier postulent à des postes vacants avec l’expérience et les diplômes nécessaires – voire supérieurs, leur candidature soit systématiquement refusée (formation BAFA débutée mais qui ne va pas jusqu’au bout, etc…) ?

Il est urgent d’agir pour notre quartier en proposant des solutions réalistes, réfléchies et permettant de régler les problèmes sur le fond qui sont bien souvent de l’ordre du social, plutôt que de surfer sur la peur des gens ; il est urgent de prendre conscience des véritables enjeux sur le terrain, il en va de la responsabilité de tous nos représentants politiques !

 

Voici un extrait de l’émission Cash Investigation démontrant l’inefficacité de la vidéosurveillance. Il s’agit d’un reportage fort intéressant avec une analyse fondée sur des faits et données concrets :

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